Arbre généalogique fabulé de Caroline – famille artistique
(Illustration: Johanna R. Wright)
Mon arbre généalogique fabulé, famille artistique
(Liste non-exhaustive et dans le désordre)
- Marc Labrèche – Cousin de la fesse du génie créateur.
- Christiane Singer – Mère Spirituelle
- Clarissa Pinkola Estès – Grand-Mère Sourcière
- Janette Bertrand – Grand-Mère Pionnière
- Fred Pellerin –Frère Merveilles…
- Marcia Pilote – Grande-Sœur d’âme
- André sauvé – Frère Cosmique
- Micheline Lanctôt – Tante Magique
- Sandra Meunier - Soeur d'âme, ma bonne-Neztoile
- Nadine Walsh et Stéphanie Bénéteau - Fées-Marraines
- Jean-François Vézina – Cousin Synchronistique
- Boucar Diouf – Cousin certain : de conte et d’émerveillement
- Louise Portal – Sweet Mère d'âme
- Jean d’Omerson – Grand-père Spirituel
- Sylvie Laliberté – Sœur Poétique
- Christian Bobin – Père Essentiel
- Serge Bouchard –Grand-père mammouth laineux
- Simon Boulerice - P'tit frère d'enthousiasme
- Marcel Sabourin - Grand-père jubilatoire
- Saratoga - Beau-frère et belle-soeur Tendresse
- Alexandro Jodorowski - Grand oncle Art'chimiste
- Dany Laferrière - Frère littéraire d'évasion en baignoire
- André Forcier - Oncle de grande liberté et fantaisie créatrice
- Clémence Desrochers - Tante Jardinière de tous les possibles
- Dan Yashinsky - Voisin de trésors familiaux et patrimoniaux
- Gilles Vigneault - Grand-père Pays
- Félix Leclerc - Re-père-Art au regard bleu à l'infini
- Martin Léon - Âmi du voyage depuis chez Kiki BBQ
Chez moi
chez moi...
© Printemps 2018
Moi, Blanche-Neige
-CHRONIQUE D'UNE CONTEUSE-
L’une
des choses que j’aime beaucoup dans ma pratique de conteuse, c’est apprendre
les histoires en marchant. Le seul petit hic, c’est quand je croise un passant
et qu’il me regarde l’air de penser que je suis un peu fêlée. Tant pis! Surtout
que comme le dit si bien Cohen, que je paraphrase ici: C’est par la fêlure que
la lumière trouve son chemin. Tout de même, je préfère pratiquer mes histoires
dans la forêt, là où je risque moins de croiser des humains -et surtout, là où
l’émerveillement me guette à tout instant; à ne plus savoir départager le réel
du surnaturel… Comme cette fois, un peu plus tôt cet automne, alors que les mésanges
m’avaient accompagnée tout le temps de ma pratique. De même que les chats de ma
tendre amie chez qui j’étais en visite, dont un qui semblait vraiment m’écouter.
Pour un moment, j’ai cru être Blanche-Neige!
Voyage à dos d'imaginaire
-CHRONIQUE D'UNE CONTEUSE-
C’est sans télé ni Ipod qu’ ils ont accepté le voyage, avec pour seul bagage, leur imaginaire… Ne quittant physiquement pas leur pupitre, ils ont pourtant plongé avec moi dans l’invisible. Tous ensemble dans la forêt des contes, enchantés de faire connaissance !
Jour du souvenir… à l’école primaire Laurent Benoît de la rive-sud de Montréal; 3h30 de contage, mon record! Me rendre-là était en soi une histoire. Moi qui avait prévu un itinéraire en transport en commun, j’ai dû me résigner et prendre un chic-taxi-fantôme… 50$ plus tard, au moins, j’y étais…
Devant une première classe de 5ème année. 22 élèves forts attentifs et heureux de recevoir mes histoires… et une éducatrice spécialisée qui traduisait en langage des signes pour une élève sourde. Parfois même, nos gestes étaient synchronisés. À croire que je sais parler la langue des signes, ou encore, que j’étais divinement inspirée Idem pour la 2e classe de 5ème année, des élèves attentifs et curieux. Ils étaient 24. On m’avait dit qu’ils allaient être un peu agités dû à l’absence prolongée de leur professeur régulier, mais ils ont tous embarqué. Jusqu’à la remplaçante qui m’a dit: « J’ai eu du mal à corriger les devoirs tellement j’étais captivée par vos histoires. » Les professeurs profitent ainsi souvent des activités spéciales pour faire avancer leurs nombreuses tâches. Ils oublient alors que leur cœur a aussi besoin de se nourrir d’invisible. Mais par bonheur, ils se font toujours un peu prendre dans les mailles des histoires.
Bref… Ce fût une merveilleuse journée où je me suis sentie libre comme un poisson dans un fleuve clair et limpide… enfin… #Conteuse #Contente Ensuite, j’avais 2 classes de 6ème année combinées. Ils étaient 54 à m’écouter et à suivre, même l’histoire la plus costaude de mon répertoire du jour… Et ils en ont même redemandé. J’ai donc ajouté 3 petites vites (oui, oui, le conte c’est comme l’amour ) et j’ai fini ça en beauté en leur swinguant la chanson du cowboy qui fait le tour de la montagne, chanson qu’ils ont fini par entonner avec moi.
Je leur ai même parlé de feu Frère Ours, par besoin de garder sa mémoire vivante, et leur ai appris sa fameuse formule magique d’entrée dans la forêt des contes : « Asticots gris, Asticots blancs, montrez-moé tous vos dents! Prêtez-moé vos oreilles, afin que les mots que je vais vous conter coulent à merveille, de ma bouche vers votre cœur… »
La gardienne de mémoire et le conteur
-CHRONIQUE D'UNE CONTEUSE-
Toujours est-il que, tandis que je me racontais cette histoire dans le creux de l’oreille interne, j’ai été enchantée de voir que je m’en souvenais entièrement. Elle prenait certes quelques nouvelles teintes car j’y allais de mémoire… et c’est justement cette confiance en ma mémoire qui m’a enchanté….
Car voyez-vous, je viens d’un père conteur et d’une mère gardienne de la mémoire. Lui, toute sa vie il a raconté des histoires dans les géants partys de famille (Imaginez ça : 13 frères et sœurs, pour la plupart mariés, avec leur progéniture, soit ma génération, convenez-en que ça fait des gros partys!). Souvent, les histoires de mon père étaient en fait des blagues avec des chutes terriblement drôles. Des blagues qui sous l’influence de son talent prenaient des airs de contes. Il étirait la sauce sur un temps rare (comme on dit) et c’était toujours merveilleux de le voir et de l’entendre. Jamais il ne manquait de faire rire son auditoire. Et ça, c’est toujours un bonus jubilant pour un conteur, on en conviendra. J’entends d’ailleurs les rires retentissants de mes tantes au moment de la résurgence de ce souvenir. Seul petit hic, mon père avait une mémoire trouée. Heureusement, il a toujours eu ma mère à ses côtés. Elle, en bonne gardienne de la mémoire, tenait avec brio le fil des histoires. Une mémoire comme la sienne, ça tient du phénomène (elle ferait d’ailleurs bonne compétition à Paul Houde). Mon père contait et elle soufflait au besoin, ce qui ne manquait pas d’ajouter du comique à l’ensemble de l’œuvre
Ma mère et mon père formaient une chouette équipe. J’en parle au passé même s’ils sont toujours bien vivants et ensemble, amoureux plus que jamais… simplement, mon père conte moins qu’il ne contait. Est-ce parce que les partys d’envergure se font plus rares? Il a peut-être cessé de conter et de chanter, mais certainement pas de s’amuser à déclencher des rires par sa présence d’entertainer-né
On dit que l’enfant hérite des dons de ses parents et qu’ainsi, en observant la passion de chacun, il trouvera sa propre voie. Dans cette logique, on peut dire que je porte en moi l’esprit du conte et son essence –la mémoire– pour bien garder tout ça vivant. Je n’aurais donc pas besoin qu’on tienne pour moi le fil de l’histoire… et pourtant. J’ai longtemps souffert d’un manque de confiance, lequel m’empêchait de croire en la possibilité de raconter sans filet. Côté théâtre, autre forme d’art qui nécessite une bonne mémoire, mon plaisir a toujours été aussi grand durant les trous de mémoire que lorsque le texte filait bien. J’aimais les blancs au théâtre parce qu’ils nous donnaient l’occasion d’être encore plus vivants sur scène. J’aimais aussi voir la tronche effrayée de certains autres comédiens lorsque leur mémoire défaillait, et venir les « sauver » en improvisant à partir de ce que le GRAND MOMENT PRÉSENT nous offrait de magie. Je me demande alors pourquoi, avec le conte, je n’ai pas eu d’emblée ce rapport jouissif au blanc ?…
Je soupçonne que la petite fille-éponge que j’étais, émerveillée et fière d’écouter son père raconter, avait non seulement absorbé le plaisir du conte, mais aussi avalé quelques trous de mémoire du paternel au passage.
Maintenant que j’en prends conscience, on dirait que je recouvre plus naturellement le don maternel de gardienne de la mémoire. Grand bien jubilatoire m’en fasse !
Sur ce, au boulot ma Caroline ! J’ai de belles activités de conte au programme de l’automne. Cela ne se prépare évidemment pas 2 jours à l’avance. J’y suis d’ailleurs depuis plusieurs semaines et c’est un grand bonheur à vivre : 100 fois sur le métier, remettre mon ouvrage joyeux !
Quand la réalité impressionne la fiction
Entre l’excitation de partir à la découverte de nouveaux mondes et le stress de ne pas accoster à temps et à bon port, les histoires étaient finalement venues me retrouver, tant celles dormantes aux rayon contes et légendes de la bibliothèque municipale que celles –ô combien magiques– qui prenaient vie en moi au fur et à mesure que je préparais la rencontre. Depuis, une mythologie personnelle se tricote dans mon ventre. Les mailles sont un peu lousses mais, tricotage faisant, je me rends compte que j’ai beaucoup de bobines de laine dans la caboche. De la matière à créer et à pratiquer, quoi!
Vu la taille de la commande de l'école, j’aurais
évidemment pris plus de temps de préparation, mais dans le contexte (car tout est toujours contextuel et ne pas
remettre les expériences dans leur contexte peut s’avérer être très pénible
pour le créateur/l’artiste -surtout l’artiste perfectionniste, avec le danger
de ne plus oser ensuite les avenues nouvelles), on peut dire que la
rencontre s’est sommes toutes bien déroulée, dans un gymnase qui pour
l’occasion s’était transformé en terrain de camping sauvage, avec un vrai-faux-feu-de-camp et des guimauves pour tout le monde! Ce qui permettait de mieux
pénétrer au cœur des légendes fantastiques.
Le plus fascinant dans ce
contrat, ce sont les synchronicités vécues avant le spectacle. Petite mise en contexte :
Je m’apprête à livrer une histoire au centre de laquelle est survenue la plus
grande tempête de tous les temps. Une tempête à vous faire sursauter 10 pieds
dans les airs. Une tempête avec des éclairs hallucinants qui allument le ciel
noir juste le temps d’apercevoir la terrifiante grand’bête à queue rouge, queue
longue de 3 mètres…
Tandis que je suis en route (en
train) pour aller conter cette histoire, plus le train approche du lieu-dit du
partage, plus les nuages s’amoncellent sur la ville. Comme dans mon histoire!
Et pour ajouter du réel à la légende, (comme si ce n’était pas suffisant à me
faire sourire), je débarque du train à la pluie battante. Heureusement, un
gentil personnage sort alors tout droit de ce conte de fée moderne pour me conduire, dans son pick-up, jusqu’au bistro où j'ai donné RDV à Gabi,
l’accordéoniste. Je ne suis pas aussitôt rentrée dans le resto qu’un éclair et
un tonnerre surviennent en même temps. Pas de délai. Aucun. Je vous le
jure! Pis d’une détonation comme je n’en avais encore jamais entendue de
toute ma vie… L’éclair a frappé à deux pas du resto. Ce qui m’a fait sursauter plus
haut que dans l’histoire (facilement 2 pieds de plus) en poussant un cri de
cantatrice.
Et ce n’est pas tout… Le temps de
me calmer en riant de la synchronie magique, que n’aperçois-je pas sur le mur
juste devant la table où je m'étais installée pour dîner? Un tableau de taureau à
grand queue rouge, queue longue d’au moins 3 mètres. Oui, mesdames et
messieurs, virtuellement vraie comme je suis là, c’est ainsi que ça s’est
passé…
On dit de faire attention à nos pensées, parce que
paraît-il, on les attire… Ça parle au sorcier du coin et vous m’en conterez tant!
Texte d'abord paru dans le bulletin du Conte du Regroupement du conte au Québec...